Etes-vous vraiment plus efficace en télétravail ?
  • Mikaël Dautrey

Retour sur le projet Meilleur-Contact

En 2009, deux managers chevronnés du secteur de la relation client, Nicolas Guyart et Thierry Paterkiwicz, m'embarquaient dans leur projet de création d'une nouvelle société de centre d'appels.

Une idée pas vraiment novatrice, me direz-vous ! Et pourtant, avec le recul, on peut dire qu'ils étaient vraiment visionnaires, en se lançant dans une activité de centre d'appels en télétravail, avec un slogan commercial simple : le meilleur des deux mondes associant télétravail et présence sur site. Ils avaient en effet l'intuition que le télétravail en temps partagé, associé à des sites à taille humaine, pouvait régler certaines difficultés des centres d'appels :

  • Turnover élevé
  • Difficulté à trouver les bons collaborateurs
  • Mauvais climat social de très grands plateaux
  • Difficulté à gérer les plannings en fonction de l'activité (la courbe en dos de chameau bien connu des opérateurs télécom)

Feuille de route technique

Ma feuille de route était simple : mettre en place l'ensemble des infrastructures informatiques et télécom pour supporter l'activité. Partir d'une feuille blanche, démarrer "la machine" reste une expérience unique, que j'avais déjà vécue, à plus grande échelle mais sur un strapontin, lors du lancement de la filiale télécom de la SNCF et de l'ouverture du service de CEGETEL/Le 7.

Je ne m'attarderai pas trop sur les aspects techniques, qui ont beaucoup évolué en dix ans. Je les résumerai en quelques mots : faire simple, économique, manageable par une équipe très réduite et conforme aux attentes des clients grands-comptes de Meilleur-Contact.

En 2002, notre solution de télétravail s'appuyait sur du matériel, avec des boîtiers VPN et des gateways sur site. Notre téléphonie était encore complétement dédiée. Les principales difficultés techniques concernaient la configuration en masse de ces boîtiers et le suivi, la garantie de la qualité de la connexion réseau et l'ajout d'un certain nombre d'utilitaires logiciels assurant le lien entre le télétravailleur et l'entreprise. La gestion de la sécurité était simplifiée par la présence du boîtier. La qualité des connexions ainsi que le déploiement étaient un enjeu important pour nous. Aujourd'hui, les architectures de télétravail sont 100% logicielles et cloudifiées. La gestion de la configuration est plus simple mais la sécurité plus complexe.

Mais revenons aux aspects organisationnels du télétravail, que je décris au passé dans la suite de ce document, mais dont bien des aspects perdurent dans l'organisation actuelle du groupe RELAYTION-MEILLEUR-CONTACT.

Organisation du télétravail

Les fondateurs s'étaient fixés trois objectifs dans l'organisation du télétravail :

  1. Atteindre un niveau de qualité et des indicateurs de production égaux ou supérieurs au travail sur site
  2. Permettre aux téléconseillers de travailler dans un environnement professionnel à la maison
  3. Maintenir un lien et une culture d'équipe en combattant le risque d'isolement

En toile de fond, un enjeu stratégique était de rassurer des clients grands comptes peu familiers du télétravail.

Qualité et indicateurs de production

Le télétravail était proposé au moment du recrutement. Les salariés étaient donc volontaires. Les premières semaines d'intégration avaient lieu sur site. Un suivi et un accompagnement spécifique étaient réalisés pour passer du travail sur site au télétravail. Ce processus permettait de valider un niveau de maîtrise du poste, une autonomie du salarié et une capacité à travailler à distance de son manager-superviseur.

Les indicateurs de production étaient suivis par les managers présents sur site, de manière identique pour le télétravail et les personnes sur site.

Un environnement professionnel à la maison

Pour être éligible au télétravail, le salarié devait pouvoir réserver une pièce de son domicile à son activité profesionnelle, avec quelques pré-requis simples, environnement général et sonore. Une visite sur place était organisée. Enfin, la connectivité Internet était également vérifiée, taux d'atténuation ADSL, débit maximum de la ligne. Ces éléments étaient prévus dans le contrat de travail.

Un lien et une culture d'équipe

Des outils de communication avaient été développés pour facilier la communication entre les téléconseillers et leurs managers. D'autre part, le télétravail était organisé selon un calendrier 3+2, 3 jours en télétravail et 2 jours sur site. Cette organisation permettait de garder le contact avec un environnement professionnel et une culture d'entreprise et de réaliser des formations, du suivi, des mises à niveau, de l'accompagnement qualitatif en fonction des points d'amélioration ou des difficultés identifiés.

Un succès relancé par la crise du COVID

Le service a démarré en 2010, avec un premier client opérateur télécom, pour qui ce mode d'organisation était également une première. Les résultats étaient très largement à la hauteur des attentes mais le bouleversement du secteur des télécoms, avec l'arrivée de Free, a conduit l'opérateur à faire cesser la prestation autour de 2015. Redéploiement, fermeture de site difficile, Meilleur-Contact a réussi à relancer son activité sur d'autres créneaux et à reconstituer son activité après ce coup difficile à négocier pour tout le monde.

La société a été intégrée en 2019, au groupe RELAYTION, avec le soutien de BPI, fin d'un cycle donc pour les fondateurs et une nouvelle aventure pour ce groupe puisque, peu après l'intégration des sociétés, la crise du COVID a conduit à généraliser et rénover le modèle MEILLEUR-CONTACT, pour des raisons que nous n'aurions évidemment jamais imaginées au moment du démarrage de l'entreprise.

En conclusion : efficacité, risque et detertialisation ?

Nous sommes en 2020, en plein confinement; un client contacte ISITIX pour auditer une infrastructure informatique. Nous ne connaissons pas les sites, ni l'organisation du client.

Habituellement, dans ce type de situation, nous nous déplaçons pour prendre contact avec les équipes internes, discuter, prendre des rendez-vous et ensuite poursuivre le travail à distance. Dans le cas présent, cette phase préalable n'est pas possible. Il faut donc tout faire à distance, en essayant d'imaginer la configuration physique des différents systèmes, l'attitude de l'équipe, le ressenti. C'est compliqué, ce n'est pas vraiment naturel et la phase d'immersion dans le contexte du client est longue.

Nous perdons en effet trois sens sur cinq en télétravail. Notre capacité à reconstruire le contexte d'une situation en est grandement diminuée. Notre présence physique est également inexistante. Nous ne bénéficions pas non plus de la présence des autres, de leur motivation et de leur capacité à nous entraîner dans le travail. Certaines tâches, où il faut s'abstraire du contexte pour, par exemple, travailler ensemble sur la rédaction d'un document ou débugger du code, seront simplifiés par la distance. D'autres tâches, où la connaissance et la compréhension du contexte sont importantes, sont beaucoup plus difficiles à réaliser.

En conclusion, tant que nous ne serons pas tous transformés en robot, il y aura de la place pour le travail sur site et à distance. Il est probable que les tâches ne nécessitant aucune présence physique - le télétravail pur - seront les plus facilement offshorisées ou automatisées. Si votre entreprise était fabless dans les années 2000 et devient virtuelle ou officeless dans les années 2020, préparez-vous à une reconversion !